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Débat Vendredi 12 janvier – 19h – À la Rétive – 42 rue du faubourg d’Auvergne – Alès
Vanina, Les leurres postmodernes contre la réalité sociale des femmes, Acratie, 2023
Ce livre de combat va à contre-sens du propos courant dominant dans le féminisme de cette basse époque. En effet, le point central de cet ouvrage démontre en quoi et comment le postmodernisme a joué en faveur du capitalisme néolibéralisé en démontant toute prétention critique totalisante, toute universalisation des valeurs, tout établissement rationnel de vérités objectives.
Fondé sur un retour au plus ancien idéalisme philosophique, cet antimatérialisme étatsunien largement inspiré des French Theorists Foucault, Derrida et Lyotard a commencé d’ouvrir un champ infini à la destruction méthodique d’anciens concepts marxiens comme celui d’« aliénation » ou de « réification » au prétexte qu’ils participeraient d’une vision globale de l’Histoire conduisant au totalitarisme. Au même titre que l’humanisme de la Renaissance ou les Lumières du XVIIIe siècle anti-obscurantistes.
Par un étrange retournement de la philosophie, il ne s’agissait plus de comprendre le monde pour le transformer, mais de le cantonner à une archipellisation d’identités démultipliables, toutes vécues dans une relativité générale. Vendu comme progressiste, le postmodernisme philosophique est d’abord la théorie du capitalisme néolibéralisé à son stade actuel de déconstruction finale des liens sociaux et sociétaux. Quand on admet que la guerre tribaliste de tous et toutes contre toutes et tous est au cœur du projet capitaliste néolibéral, on comprend en quoi les Gender Studies le servent en lui offrant des possibilités infinies de démultiplication de ses parts de marché (blacks, women, gays, subalterns, queers et +++). Enfermées dans leur pré-carré existentiel et réduites à n’être que des lobbys affairés à conquérir leurs droits, ces « identités particulières » survalorisées par le postmodernisme philosophique constituent, pour des raisons évidentes, autant de cibles de choix pour le marché. Désormais, c’est chacune-chacun sa gueule et le capital pour tous.
Dans le maelström confusionniste d’un temps où est enseignée l’ignorance ; un temps où prospère la peste émotionnelle et son débouché nécessaire, la guerre de tous contre toutes (et vice versa) ; un temps où à la réflexion politique et à la critique sociale se substituent les moralines, la compassion et le victimisme ; un temps où les identités et les postures individuelles font florès en lieu des identités collectives, toutes détruites ou en voie de l’être par le mouvement infini du capital ; un temps où la postmodernité philosophique, cette vacuité de la pensée, est devenue la seule boussole des classes moyennes d’un monde en marche vers le chaos ; dans ce maelström, donc, le féminisme, comme le reste, a sombré en refusant de comprendre, comme l’écrit Vanina en conclusion d’un ouvrage implacable, qu’on ne règle pas « la question de l’oppression féminine en évacuant celle de l’exploitation ».
Et en cela, elle a raison. Comme elle a raison, en évoquant le mouvement des Gilets jaunes de 2018 – « cette lutte des classes non théorisée comme telle » –, de noter : « On y voyait bien plus de femmes que dans les “journées d’action” syndicales, ou même dans les cortèges féministes du 8 Mars – et des femmes dont on ne parle guère, d’ordinaire, étant donné leur position au bas de la société. Voilà qui aurait peut-être dû interpeller certaines universitaires et militantes féministes ? […] Avec les Gilets jaunes, les discours du féminisme “intersectionnel” et du queer qui occupent l’espace public depuis maintenant des décennies ont été soudain mis en sourdine. Leur mouvement, plein de cris et de fureur et peu soucieux du politiquement correct, a poussé la “vraie vie” et ses problèmes concrets sur le devant de la scène médiatique ». Et c’est vrai que cette insurrection sauvage eut, parmi d’autres avantages, celui de rendre discrètes, un temps, toutes les avant-gardes de l’impuissance intellectuelle et politique.
Présentation extraite de Embrouilles dans le genre sur : https://acontretemps.org/