Comprendre le phénomène politique des gilets jaunes est une nécessité pratique, celle de se positionner pour agir. Nous l’avons énoncé il y a quelques temps déjà1 : dans la période actuelle, l’heure est aux mobilisations interclassistes, à la composition d’un sujet-fantôme, le peuple. Cette dynamique est à prendre pour ce qu’elle est : un mouvement qui porte son propre dépassement.
Nous l’écrivions lors du mouvement de lutte il y a quelques temps en Guyane :
« Nous avons devant nous la défaite potentielle telle que cette période la porte. Le peuple, l’identité, la subordination au patronat. Mais nous pouvons aussi discerner, en dessous, faisant trembler le sol, la sourde mobilisation de forces sociales gigantesques. Toutes celles et ceux qui n’ont rien à gagner à l’arrêt de la lutte, les exploités ».
Voici notre boussole dans la période actuelle.
Quelle dynamique ?
Nous avons longuement décrit le phénomène : une catastrophe est en cours. Il s’agit du basculement massif des prolétaires et de certaines fractions de la petite bourgeoisie dans la pauvreté. Bien sur, on pourrait remonter avant la crise. Mais un cap est franchi et il est important de le penser en tant que tel : ce qui est en cours aujourd’hui dans les pays du centre, c’est un Grand Appauvrissement. Cette catastrophe grandit en permanence et, comme un monstre de film d’horreur, avale des pays entiers, sans jamais sembler rassasiée.
Les prix montent, les salaires ne suivent pas, ni directs et encore moins indirects: chômage, pensions de retraites se réduisent. Pourquoi ? Parce que les salaires aujourd’hui ne sont plus vus par les capitalistes comme des investissements qu’ils vont récupérer quand nous consommerons leurs marchandises. Dans la concurrence mondiale qui s’est ouverte, partout les salaires ne sont plus vus que comme un coût, une taxe obligatoire, et la pression du capital va tendre à la baisser au maximum.
C’est en France tout l’enjeu des « réformes » qui se succèdent, c’était aussi l’objectif de la Loi Travail. Le tout étant de conserver une certaine stabilité sociale et politique. En permanence, cela conduit à la spoliation, la prédation, le vol pur et simple. Celui qui va négocier, dans une position inconfortable, le degré maximum de spoliation est alors l’État. Par ses taxes, il va capter une part minime mais existante de revenus.
C’est aussi vers l’État que les masses se retournent, pour demander un meilleur partage du revenus, pour qu’il « joue son rôle » d’arbitre face au capital2
C’est dans ce face à face avec l’État que se constitue alors la lutte. Mais si celle ci reste cantonnée dans ce face à face, elle ne peut que perdre, s’étouffer. Elle restera circonscrite à demander d’un côté plus de revenus, de l’autre moins de taxes, à se débattre entre mots d’ordre anti-corruption et appel à l’état-social, bref acculée à la défaite et son aménagement.
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